Ginkgo: le remue-mémoire!
Partie II : La maladie dAlzheimer
En ayant compris le fonctionnement et toute limportance de la mémoire dans notre cerveau, nous comprenons maintenant comment les atteintes à cette faculté entraînent des conséquences dramatiques. La prochaine partie de ce recueil est consacrée entièrement à l'envers de la médaille de la mémoire: l'Alzheimer. Nous verrons tout d'abord les caractéristiques de cette maladie et ensuite, dans la deuxième partie, nous verrons comment la maladie d'Alzheimer agit sur nos neurones pendant la progression de la maladie.
C'est le 4 novembre 1906 que le premier cas d'Alzheimer au monde fut diagnostiqué. Le docteur allemand Alois Alzheimer remarqua un comportement bizarre d'une de ses patientes. Dans un de ses livres, on peut lire une conversation qu'il eut avec cette patiente à un stade vraisemblablement développé de la maladie: "Elle s'assoit sur son lit, l'air hébété. Quel est votre nom? Auguste. Quel est le nom de votre mari? Auguste, je crois. Elle semble ne pas comprendre la question." Aujourd'hui, nous comprenons beaucoup mieux qu'à l'époque d'Alois Alzheimer les différents stades du développement de la maladie. Cependant, le diagnostic reste encore très difficile à prononcer.
La maladie d'Alzheimer est une maladie qui touche uniquement le
cerveau. Elle provoque la dégénérescence des neurones, et plus particulièrement
ceux impliqués dans la mémoire, c'est-à-dire ceux du système limbique.
Le premier facteur de risque est l'âge. La plupart des personnes atteintes ont en moyenne
70 ans, mais la maladie peut parfois commencer avant l'âge de 50 ans. Elle frappe autant
les femmes que les hommes, et c'est une maladie internationale, sans distinction de
race, de classe sociale, ou d'environnement particulier. Voyons premièrement les
différents stades de la maladie.
La maladie débute la plupart du temps par des lésions au cortex rhinal et à l'hippocampe plus particulièrement. Bien entendu, comme nous l'avons vu précédemment, puisque ces zones s'occupent de la mémoire, les premiers symptômes de la maladie sont des petits déficits de la mémorisation. Ces déficits touchent plus particulièrement la mémoire épisodique: les patients ont tout d'abord de la difficulté à se remémorer les événements qui se sont déroulés il y a quelques semaines. Ces troubles peuvent cependant être compensés par le patient en notant ses rendez-vous ou les courses à faire. Ensuite apparaît un manque de mots plus ou moins important, démontrant des lésions dans la mémoire à court terme située encore dans le système limibique. Puis la maladie frappe ensuite le cortex associatif et mène à une perte de jugement. C'est à ce stade que le patient devient de plus en plus indifférent à ses troubles et est incapable de les compenser. Enfin, les lésions dans le cerveau s'aggravent. La maladie, qui a ravagé le système limbique, s'étend dans tout le cortex, touchant toutes les zones du cerveau. Le patient a alors de la difficulté avec la plupart de ces sens: difficultés de langage, d'activités gestuelles, d'identification d'objets...
Comme nous venons de le voir, dans le premier stade de la maladie, on note des problèmes au plan de la mémoire épisodique. Peu à peu, le patient oublie les informations de la vie courante au fur et à mesure. Cela mène donc à une désorientation. En effet, en ne sachant plus pourquoi il est à tel endroit, comment il y est arrivé et qu'est-ce qu'il faisait il y a deux ans, bref, en perdant peu à peu sa mémoire épisodique, le patient a bien de la misère à se retrouver dans son milieu. Il a été prouvé que la désorientation spatio-temporelle est causée par des troubles de l'hippocampe, tout comme ceux de la mémoire épisodique, ce qui prouve que la maladie commence dans cette zone. Et en effet, lorsqu'on mesure par imagerie en résonance magnétique nucléaire le volume de l'hippocampe, on observe dès le premier stade de la maladie une baisse significative de l'ordre en moyenne de 25 % par rapport à des témoins de même âge qui n'ont pas la maladie. L'amnésie causée par un déficit de la mémoire épisodique commence généralement par un oubli de souvenirs lointains puis par un oubli de souvenirs très récents, menant jusqu'à l'oubli des membres de sa famille et de son propre visage.
Les troubles du langage suivent ceux de la mémoire épisodique. En effet, la mémoire sémantique (informations brutes) qui s'occupe du langage est touchée plus tardivement que la mémoire épisodique. On note en effet des baisses par rapport au langage dans des tests soumis à des patients comme par exemple lorsqu'on leur demande de dire le plus possible de mots commençant par la lettre "D", ou encore de donner des mots de même famille que le mot "fleur", etc. Au début de la maladie, on observe donc peu à peu une réduction dans le vocabulaire employé par le patient. L'élocution reste cependant normale et le discours est assez cohérent. Il est la plupart du temps difficile de dire si la mémoire sémantique du patient est atteinte ou non selon son langage, aux premiers stades. À un stade plus avancé, l'ordre logique des mots disparaît lorsque le sujet parle. La compréhension devient difficile. Le patient a de la misère à répondre aux questions. Son vocabulaire devient extrêmement limité. Finalement, au stade le plus avancé de la maladie, on peut observer chez les patients une écholalie (le malade répète le dernier mot dit par son interlocuteur), et un palilalie (le patient répète plusieurs fois la même syllabe).
Après les troubles du langage, le patient souffre de difficultés au plan de l'association d'informations. Le patient a en effet beaucoup de difficulté par rapport au jugement, au raisonnement... C'est d'ailleurs à cause des troubles d'association que le patient, rendu à un stade important de la maladie, devient inconscient des déficits que lui impose la maladie.
Finalement, après la zone associative du cerveau, la maladie s'étend partout dans le cortex, c'est-à-dire dans toutes les zones du cerveau. Au plan visuel par exemple, le patient a de la difficulté à reconnaître des objets, un environnement familier... etc. Au plan des fonctions motrices, les déficits sont plus tardifs. Le patient finit par avoir de la misère à manipuler des objets. Ce stade de la maladie qui touche toutes les zones du cerveau accentue davantage les problèmes de mémoire jusque là localisés dans le système limbique, étant donné que la plupart des informations stockées dans notre cerveau le sont dans leur zone spécifique.
On note également à tous les stades de la maladie des changements dans le comportement des patients. À l'université de St-Louis aux États-Unis, on a noté dans 75% des cas de patients au premier stade de maladie des changements significatifs au niveau comportemental. Les patients démontrent par exemple des pertes de l'initiative et de l'affectivité, de l'irritabilité, du désintérêt vis-à-vis leurs proches et ont des activités sans but. Ces modifications comportementales aboutissent plus tard dans la maladie à un état dépressif, comme par exemple de la difficulté d'attention, de l'indifférence... etc.
Nous avions vu dans la première partie de ce recueil que notre mémoire se divise en mémoire implicite et mémoire explicite. La mémoire implicite réfère à ce qu'on apprend sans se souvenir comment nous l'avons appris (comme par exemple aller en vélo), et la mémoire explicite touche quant à elle à toutes les informations dont nous nous souvenons. La maladie d'Alzheimer concerne entièrement la mémoire explicite et à la fois ses deux subdivisons: la mémoire épisodique et la mémoire sémantique. Est-ce que la maladie d'Alzheimer touche aussi la mémoire implicite ? On se souvient que les amnésiques du type H.M., n'étant pas capable de se souvenir de nouveaux événements et de nouvelles informations, peuvent cependant accroître leur mémoire implicite. En effet, ils sont capables par exemple au bout de quelques semaines de lire les mots que reflète un miroir. Selon plusieurs expériences menées auprès des personnes atteintes dAlzheimer, on pense que la maladie ne touche pas leur mémoire implicite. En effet, à l'hôpital de la Salpêtrière en France, des médecins ont donné des crayons aux patients souffrant d'Alzheimer et leur ont remis à chacun un petit disque. Ils leur ont demandé de faire tourner le disque perpendiculairement au crayon. Le premier jour de l'expérience, les patients avaient bien de la misère à exécuter cette tâche. Mais au bout de plusieurs jours, on a noté d'importantes améliorations. Ces améliorations étaient en fait similaires à celles obtenues par des témoins de même âge n'étant pas atteints de la maladie! On leur a fait également apprendre, tout comme H.M., à lire à voix haute avec un miroir. Au bout de quelques semaines, ils s'étaient extrêmement améliorés, sans être capables cependant de dire comment ils s'étaient améliorés. Cela démontre bien les deux différents chemins que prennent les informations implicites et les informations explicites à travers les zones de notre cerveau.
Nous venons de voir les principales zones et activités du cerveau
affectées dans la maladie d'Alzheimer. On la dit, le premier facteur de risque de
la maladie d'Alzheimer est l'âge. Mais cette maladie est-elle très répandue dans le
monde? Présentement, on pourrait croire qu'elle est plus ou moins répandue. En Europe
par exemple, 3% de la population âgée de plus de 65 ans souffre de la maladie. À partir
de 80 ans, 15% des Européens sont touchés. Selon une vaste étude menée pendant 10 ans
en France, on pense que 100 000 nouveaux cas d'Alzheimer devraient être
enregistrés par an. Mais cela ne tient pas compte du vieillissement de la
population: la pire crainte face à la maladie d'Alzheimer. Grâce aussi à l'âge
moyen de mortalité toujours de plus en plus élevé, on verra, d'ici une dizaine
dannées, une explosion de nouveaux cas. Puisque cette maladie est très coûteuse
pour les gouvernements (aux États-Unis, on compte 3 millions de cas, et cela coûte 3
milliards de dollars par année au gouvernement), imaginez les problèmes auxquels nous
auront à faire face dans quelques années. La recherche sur cette maladie est donc
prioritaire... Sur cette note un peu alarmiste, nous verrons maintenant les effets de la
maladie d'Alzheimer sur les neurones. Et après cette section, nous pourrons passer à la
troisième partie traitant des produits qui peuvent contribuer à préserver les neurones
des substances toxiques impliquées dans la maladie dAlzheimer.
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